TriBSA, l'autre combinaison gagnante

par Michel 67

L’histoire commence un après-midi alors qu’un formateur essaye vainement de capter l’attention de son auditoire. Il est des sujets comme celui abordé cet après-midi là qui sont particulièrement rasoir et comme les heures ne passent pas, on s’occupe comme on peut en laissant glisser le stylo sur une feuille de papier. L’idée du moment étant de m’essayer au dessin d’une version cafe-racer de ma BSA  A7 Shooting Star juste pour voir.

 

N’ayant pas les talents de Komar,

il en est tout de même ressorti

cette esquisse :

 

 

Quelques semaines plus tard, sur un site dédié bien connu, je tombe sur cette annonce :

 

VDS TriBSA ….

 

Personne ne comprit alors que je puisse jeter mon dévolu sur un tas de ferraille pareil. Mon ministre des finances me donna le feu vert à condition que de me séparer d’une de mes autres motos. La CB350 allait continuer sa vie en Touraine.

Pour moi, la base était parfaite et laissait suffisamment entrevoir tout son potentiel. On a du mal à l’imaginer mais la machine aux dires du propriétaire était tournante lorsqu’il l’a oubliée dans son garage. Je pense qu’il disait vrai mais n’ai pas essayé de la démarrer.

 La base telle qu’achetée est une TriBSA, contraction des mots Triumph et BSA, assemblée par un Ardennais qui l’utilisa à Chimay. La partie cycle provient d’une BSA A10 de 1960, le moteur Triumph 650 pre-unit, avec ses magnéto et dynamo, d’une Thunderbird de 1953 et le réservoir d’une BSA Rocket 3.

 S’en suivirent une longue période de réflexion et d’emplettes sur le net et chez mon revendeur local British Bike à Obernai avec le cahier de charge suivant : 

  • La moto devra avoir pu exister en 1960. J’ai choisi cette date car le cadre est de cette année-là et cela m’a imposé une limite dans l’escalade à la technologie. Je pense aux courroies, allumage électronique et autres modernités.

  • Le budget sera calé sur mes moyens c'est-à-dire serré et éliminera par là-même l’approvisionnement fort coûteux chez les revendeurs spécialisés en pièces typées cafe racer. Cette contrainte m’amènera aussi à réaliser un maximum de pièces moi-même, dans la mesure où mon outillage le permettra.

  • La moto sera utilisable sur la route.

Après beaucoup de recherche et de patience, quelques pièces intéressantes ont été acquises comme un Té de fourche Taylor Dow en alu, un frein avant de Goldstar, une culasse alu, des platines moteur Converta en alu etc.

Quand je n’étais pas devant l’ordinateur à collecter des infos ou des pièces, je m’occupais dans mon atelier à la réalisation de la pièce maitresse, le réservoir. Pour moi un cafe racer se doit d’avoir quelques pièces qui ont de la noblesse et le réservoir en aluminium en fait partie. Ayant accès à de l’aluminium à vil prix, je décidai de m’essayer à sa réalisation, me disant que si je n’y arrivais pas, les pertes seraient limitées.

Mon idée était de fabriquer une maquette à frapper en bois et de m’en servir pour former l’alu directement dessus. Travail sympa mais oh combien salissant !

 

 

En pratique cela n’a pas été possible et la maquette ne m’a servi que de gabarit car la feuille d’alu choisie de 2mm d’épaisseur s’avèrera trop épaisse pour être formée de la sorte. Je tenais à cette surépaisseur pour pouvoir finir la surface sans risquer de percer l’enveloppe. Armé de courage, d’un marteau, d’une enclume et comme seule logique, la où on tape, la matière s’allonge, je commençais le long labeur. A partir de là, il suffit de réfléchir où taper pour obtenir la forme souhaitée. C’est en fait assez simple mais les choses se compliquent un peu lorsqu’on souhaite repousser la matière sur elle-même.

 

 

Au bout de deux ans, les trois pièces constituant le dessus du réservoir étaient prêtes à être soudées. Pour cette opération, j’ai fait appel à un carrossier professionnel. S’en sont suivies de longues heures de ponçage, planage et polissage jusqu’à obtention d’un brillant miroir.

 

 

Le fond est beaucoup plus facile à réaliser en tôle pliée.

 

Parallèlement au martelage du réservoir, la selle prenait forme. L’embase en alu m’a servi de laboratoire de recherche du bon geste pour la mise en forme du réservoir. Elle est constituée d’un alliage bien plus dur que celui utilisé pour le réservoir. Cet alliage est entre autre utilisé pour fabriquer les âmes de skis et supporte très bien la fatigue.
 

 

 

La mousse de récupération se travaille au couteau électrique de cuisine puis à la ponceuse. J’ai utilisé 3 densités différentes. L’habillage est en skaï noir cousu main et collé à l’embase avec de la colle néoprène. Je conseille le bébé skaï, il a la peau tellement plus souple !

 

 

 

Il n’y a pas eu de logique à l’ordre de réalisation des pièces. Tout à commencé le même jour pour s’achever ensemble. La variété des chantiers permet de rester occupé sans se lasser d'un travail.

 

La greffe du Té de fourche m’a obligé à raccourcir les tubes de fourche de 3cm pour conserver une assiette horizontale de la moto. Les fourreaux ont, eux aussi, dû être remplacés pour accepter le moyeu à tambour déporté de 8 pouces de provenance BSA Gold Star. Le support de phare maison est d’inspiration Gold Star.
 

 

 

Les bracelets sont modifiés pour coller avec le look du début des 60’s. Les compteur et compte-tour sont des Smiths Chronometric. Le compte-tours est un compteur que j’ai transformé en compte-tours. La molette du frein de direction vient d’un BMW Série 2.

 

 Une des premières pièces trouvée sur le net a été un jeu de platines moteur Converta pour remplacer les BSA en acier. Les platines d’origine ne permettent que de fixer 2 tiges filetées sur 3 du moteur Triumph. Il en existe pour toutes les combinaisons de montage hybride moteur/boite/cadre. Il a fallu tourner toutes les entretoises pour bien aligner le moteur et la boîte et reprendre le cadre en 2 endroits pour que le tout se monte parfaitement.

 

 

Les repose-pieds reculés sont faits maison, articulés pour ne pas gêner la course du kick. Le quadrant de kick à lui été remplacé pour un Gold Star Clubman. La position en arrière du kick au repos gênant la jambe, ce nouveau quadrant positionne le kick plus en avant. 

Le garde boue arrière est une refabrication en alu monté sur une boucle arrière maison. Celui de devant de provenance AJS 31 CSR était tout cabossé et destiné à la ferraille. Comme je ne jette rien, j’ai débosselé et fabriqué les supports ad hoc.

A défaut de trouver un tambour à ailette de Gold Star pour l’arrière aussi, je me suis rabattu sur un BSA A65 avec couronne démontable montée à l’envers. Le flasque vient de la même moto et a nécessité un passage au tour car trop large. En rognant sur le flasque et en montant la couronne à l’envers, je suis parvenu à aligner le tout sur le pignon de sortie de boîte. Réaliser un bon alignement de tous les organes est une des parties les plus intéressantes du montage d’un hybride.

La commande de frein arrière, la réalisation de la pédale de frein reculée et l’écrou de tige de frein en empennage de flèche, le bac à batterie sont du home made.

Les jantes alu, Borrani à l’avant et Akron à l’arrière, ne m’on rien couté. C’est l’achat et la revente de jantes et le troc qui les a financées. J’en ai eu 6 avant de trouver les bonnes.

La plaque et son support sont faits maison. Le feu est un Lucas monté entre autre sur les AJS et Triumph Tiger-cub.

A ce stade, il ne restait plus que le moteur à monter. Le bas moteur est stock de 1953 c'est-à-dire un vilebrequin en 3 morceaux, petit roulement et bielles régulées. Cet ensemble sera prochainement remplacé par un bas moteur gros roulement, un vilebrequin monobloc et des bielles à coussinets. Les arbres à cames sont des T120 pre-unit, la culasse un T110 avec sièges fraisés, nouveaux guides et soupapes. Le carburateur est un Amal monobloc qui sera prochainement doublé de son clone aminci. L’allumage est confié à une magnéto Lucas Racing.

Deux ans et quelque de travail pour un résultat au-delà de mes espérances. Le moteur est puissant et souple, un régal. La moto est légère et très maniable. Pas de guidonnage. La selle est correcte mais les bracelets sont trop bas. Je vais les lever jusqu’au Té supérieur et fixer le phare autrement. Les premiers tours de roue ont eu lieu le 10 avril 2011 alors que j’avais acheté la moto en juin 2008.

 

 

 

 

 

 

Michel 67

 

 

Mise en page : Nobody Else.

www.motos-anglaises.com est une coopérative Internet dédiée à la moto classique d'outre manche, un espace de liberté où tous apportent leur grain de sel. Nous aimons les motos anglaises de tradition, les pannes au bord de la route, les tâches d’huile dans notre garage … Nous souhaitons partager nos connaissances dans la convivialité (presque toujours), la tolérance (obligatoire) et la bonne humeur.

webmestre@motos-anglaises.com