Préparer, fiabiliser, et même gonfler une moto anglaise

(carrément!)

Il y a pas mal d'étapes dans la préparation d'une moto. Je vais essayer de les différencier pour qu'on puisse les réaliser peu à peu et établir un budget.

L'atelier: Il faut un endroit clair où démonter une moto et travailler sur les pièces sans qu'elles se retrouvent mélangées avec les accessoires de la tondeuse à gazon ou autre. Il faut aussi un bon outillage, naturellement.     
Le carnet d'adresses: Il faut impérativement connaitre une société de rectification automobile sérieuse, qui soit capable de réaléser à la cote des pistons qu'on fournira, de contrôler, rectifier et équilibrer un embiellage complet. C'est un gros, gros atout et une économise de temps et de l'argent. Un must, aussi: un bon magasin de fournitures automobile, pour les roulements, notamment.

La philosophie: Une vraie moto de course ou de sport ne se bricole pas à partir d'un montage existant. Elle se construit pièce par pièce. En effet, la construction en grande série impose des défauts, qu'on appelle "distorsions de fabrication". Il faut examiner chaque pièce et en éliminer les défauts. On construit ensuite la moto en soignant particulièrement chaque montage, en vérifiant chaque jeu, chaque alignement. On a des chances d'obtenir ainsi une moto "blue print", c'est à dire conforme à ce que les ingénieurs on dessiné.

Dans le cas d'une moto ancienne, on n'est peut être pas obligé d'examiner à la loupe chaque boulon et de refaire tous les filetages, évidement, mais c'est un idéal dont il faut s'approcher le plus possible, selon ses moyens. On va être amené à démonter pas mal de choses, alors, autant en profiter!

Certains objecteront qu'il n'est pas souhaitable de gonfler un moteur ancien, mais tout ce qui vise à réduire les contraintes mécaniques augmente beaucoup la fiabilité d'une moto!

1) Ce qui ne concerne pas le moteur:

Il serait ridicule de vouloir améliorer ou fiabiliser le moteur d'une moto qui roule mal!!! Il faut donc s'occuper de la partie cycle:

Revoir tous les axes de pivotement. Mettre à neuf les bagues des suspensions. Ne rien négliger, même et surtout si ça a été fait par le précédent propriétaire: certains roulent sans huile de fourche! Vérifier l'état et le voile des roues. Changer les roulements de roues pour des roulements modernes à faible coefficient de frottement. Vérifier que ces mêmes roulements travaillent sans contrainte latérale: sur les motos ayant déjà vécu, les entretoises sont souvent abîmées, voir manquantes! On doit pouvoir faire tourner les roues avec deux doigts, sans effort. Si on a du mal à entrainer la boite de vitesses au point mort, ce peut être le signe de roulements ou de bagues de boite grippés. Vérifier le bon état des chaînes de transmission et leur parfait alignement, ainsi que l'alignement des roues. Ne pas utiliser de pneus surdimensionnés (4.25 à l'arrière: à proscrire!). Chasser et proscrire les montages approximatifs (un échappement qui travaille en torsion se desserre fatalement un jour et fonctionne mal).    Cette étape gagne autant de chevaux qu'un gonflage moteur.

 

2) Moteur

Embiellage:

Démontage et vérification des portées, qu'il faudra faire éventuellement rectifier. Bien repérer l'ordre et le sens de montage des bielles afin de les remonter dans le même sens et surtout ne pas les intervertir. Le remontage se fera avec des coussinets et des boulons neufs.

Meuler toutes les bavures de fonderie.  Polir entièrement l'embiellage à l'exception des portées.
Meuler légèrement les bielles à l'endroit de la bavure, les amener exactement au même poids, puis les polir.
Pistons:

Faire contrôler les cylindres pour déterminer si il faut les réaléser ou non. Si ils sont ok, faire faire un glaçage et utiliser des pistons de la même cote que ceux d'origine gravé sur la calotte, par ex. 0.010 (attention: cette mesure est en pouces!). Il faut toujours adapter l'alésage des cylindres aux pistons , et non pas l'inverse, parce qu'il est impossible d'augmenter le diamètre d'un piston. Un bon mécanicien demande toujours qu'on lui apporte les nouveaux pistons avant de faire l'ajustage. Il existe aujourd'hui un grand choix de pistons. Dresda a des pistons haute compression qui sont excellents grâce à leur traitement de surface qui réduit les frottements. Ne pas dépasser 10 à 1, à cause de l'essence sans plomb (risque de cliquettement, les bougies  étant décentrées). Prendre les segments neufs qui vont avec.

Peser chaque piston avec axe et circlips. Les amener au même poids en meulant les bavures intérieures du plus lourd.
Après ces opérations, faire effectuer un équerrage des bielles et rectifier l'alignement de l'embiellage. Le faire rééquilibrer. Bien le nettoyer intérieurement à l'air comprimé ainsi que les bielles. Ne jamais remonter les coussinets à sec.
On peut éviter le polissage (fastidieux) et se contenter d'appairer les poids des pistons et des bielles, et de faire équerrer les bielles et l'embiellage. Ce n'est pas très cher en général et on gagne en puissance et surtout en fiabilité (assurance que tout travaille en ligne).

Demander un contrôle de l'alignement des paliers de carter. Faire rectifier, éventuellement.

Roulements:

Monter des roulements neufs et modernes. Les cotes d'un roulement sont gravées sur le côté, on peut donc changer de marque sans problème. Demander au fournisseur le dernier cri dans cette dimension. Un exemple au hasard: la série X-life, chez FAG.

Bagues et joints spi: ce sont des pièces peu chères qu'il vaut mieux changer par simple précaution. Les joint caoutchouc sèchent à l'air. Personnellement, je considère qu'un joint spi est mort au bout de dix ans, quel que soit son aspect. L'essence sans plomb détruit les joints néoprène: les remplacer par des joints VITON.

 

 
Pompe à huile:

Monter la dernière version possible de pompe (MORGO, par exemple) et équiper le moteur de durites de gros diamètre: elles sont souvent sous-dimentionnées d'origine.

Important!!! Si le débit de la pompe à huile est augmenté, il faut impérativement augmenter celui du clapet de surpression (augmentation du nombre de trous d'évacuation), sinon la pression de l'huile en excédent déforme le carter et ruine les joints. Voir l'article (en anglais).

 

 
Reniflard:

Soigner l'évacuation (plus gros diamètre possible). Ne pas oublier que l'effet de pompage absorbe près de 40% de la puissance!

 

 
   
Distribution:

Alléger toutes les pièces en mouvement, c'est à dire les poussoirs, les tiges en vérifiant qu'elles ne comportent aucun flambage, sinon il faut les remplacer, les culbuteurs, les coupelles de ressorts de soupapes.

Les tiges doivent faire le même poids, ainsi que les culbuteurs et les coupelles.

A l'exception des poussoirs, tout doit être poli miroir.

Il existe chez Dresda et chez Unity Equip des coupelles en alu.

              

Les culbuteurs doivent être équilibrés sur leur axe et doivent débattre le plus librement possible sans jeu excessif.

 

 

 
Culasse: gros travail!
Agrandir autant que possible les conduits de façon à avoir le passage de gaz le plus direct possible, sans étranglements.

On profitera de ce que les guides de soupapes sont enlevés pour effectuer ce travail.

Ajuster parfaitement les pipes d'admission et les échappements. Polir parfaitement les conduits d'échappement. Les conduits d'admission se laissent bruts de fraise.

 

Monter des guides et des soupapes modernes (Dresda) sans oublier de faire rectifier les sièges à l'angle des soupapes et à l'alignement des guides. Attention, certains guides racing auto lubrifiés sont parfaits pour les performances, mais s'usent très vite: se renseigner.

Pour démonter un guide, chauffer la culasse uniformément à 200° (normalement dans un bain d'huile). les guides sortent facilement en les frappant légèrement.
Pour remonter les guides, la culasse étant très propre, mettre les guides au congélateur, chauffer la culasse. Dès que la culasse est à température, prendre un guide et le pousser à fond dans son logement comme un suppositoire. Répéter le geste avant, car on n'a pas le droit à l'erreur. Monter un guide à la fois pour avoir le maximum de différence de température à chaque fois (culasse dilatée et guide rétracté).

Roder parfaitement les soupapes.

Monter des ressorts de soupapes racing, qui ne sont pas plus durs que les autres, mais qui permettent un débattement plus important sans phénomène parasite et sont plus endurants. Dresda, par exemple.

Utiliser des cales d'isolement thermique entre les carbus et la culasse. La température des carbus ne doit jamais dépasser 80°.

Le diamètre idéal pour les carbus est 32mm. Les conduits d'admission doivent être adaptés en diamètre.

Il n'y a que les cornets dessinés par Amal qui conviennent bien aux 930/932:

Allumage:

Un allumage électronique procure une étincelle plus puissante et plus rapide qu'un allumage classique, ce qui favorise la puissance maximum. Il amène une grande stabilité de réglage. Par contre, sur un moteur très compressé, il défavorise le couple à bas régime et rend la moto moins agréable en usage routier (obligation de rouler "dans les tours").

Culasses spéciales et arbres à cames magiques:

Il y en a, capables de transformer une Triumph en avion... Notamment chez Dresda. C'est cher, fragilise le moteur, et peut rendre la moto franchement désagréable en usage routier: à réserver pour la compétition.

                                                     

Échappements:

Choisir des échappements les plus libres possibles afin que le moteur "respire bien", en respect du code de la route et des oreilles du voisinage, et bien sur, de leurs qualités... musicales!

3) Réglages:

Le moteur est devenu plus fiable et aussi plus "méchant". Ne pas oublier qu'une chaine primaire bien alignée est primordiale pour le rendement et sa longévité. Respecter scrupuleusement les couples de serrage (et pas seulement ceux de la culasse!). Les réglages d'allumage et de carburation doivent être fait avec le plus grand soin en se basant sur les réglages donnés par les usines.

attention: si on a augmenté la compression, la valeur d'avance donnée par le manuel constitue un maximum à ne surtout pas dépasser! Le moteur va "pilonner" énormément à bas régime. Pour un usage plus confortable, il vaut mieux réduire très légèrement cette valeur.

Les réglages de carbus doivent être ajustés en fonction des nouvelles caractéristiques du moteur.

Pour finir, la question que tout le monde se pose: un moteur d'anglaise, déjà si fragile à l'origine, ne risque t'il pas de casser une fois préparé? Justement, non! Si il est bien réglé, il n'a aucune raison de casser, tandis que s'il est mal réglé, gonflé ou non, même si vous ne tirez pas dessus, il cassera!

Bertrand.

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