L'histoire de l' Egli Triumph d'Alan
|
|
|
Hiver 1971. Je commence à toucher mes premiers salaires, et
depuis quelques années je roule moto anglaise, comme nombre
de copains du moto-club.
Quelques lectures m’ont mis des rêves plein la
tête : l’essai de la Rickman T120 (Champion
n° 48), la « plus belle moto du monde »
selon Christian Lacombe, et puis un enthousiaste compte rendu de visite
chez Egli (Champion n° 53)
Et deux ans plus tôt, à la concentration des
Chamois, j’avais vu « en vrai » les
merveilleuses Egli Vincent.
Mais les mécaniques anglaises nous mènent parfois
la vie dure. C’est vrai qu’à cette
époque, bien peu savent les fiabiliser.
C’est alors qu’il me vient une idée :
pourquoi ne pas adapter le nouveau et moderne moteur Laverda 750 dans
la splendide partie cycle Egli ? (pour l’instant rien
d’anglais dans le concept, mais vous verrez la suite)
Ni une ni deux, avec l’innocence de mes 20 ans,
j’écris à Fritz Egli pour lui exposer
mon idée.
Et contre toute attente, il me répond !

Le projet prend corps. En avril 1971, je
me rends chez Egli à Bettwil, pour confirmer ma commande.
J’habite à cette époque en Midi
Pyrénées, Bettwil (proche de Zurich) est
à 830 km.
Une fois sur place, je suis comme un gosse dans un magasin de jouets.
Il y a des Egli à tous les stades de construction, des
motorisations Vincent, Honda, Triumph,.. Le grand chalet
abrite l’atelier au rez de chaussée. En prime, il
y a aussi de nombreux trois roues Messerschmitt parqués dans
un pré, Egli s’étant pris
d’affection pour ces engins. Des photos ? non, y en a pas eu
! (après on regrette…)
Fritz Egli nous offre gentiment l’hospitalité au
chalet. Et puis il me fait essayer une Egli Triumph T120.
C’est celle qu’on peut voir en photo dans
Moto-Revue n° 2026 (page 51, avec le grand guidon). Je suis
enchanté par les qualités routières de
la bête, comme Christian Lacombe un an plus tôt
(lui avait eu droit à la Black Lightning). La commande de
l’Egli Laverda est passée.
Mi-juillet 71, je vais voir l’avancement des travaux, un
petit détour sur la route des Chamois.
Je m’y rends avec la 250 Bultaco « kit America
» qui me fait l’intérim en attendant
l’Egli. L’ami qui me l’a vendue avait
fait le championnat de France 250 sport avec. Au cours de cette boucle
de 1800 km, j’ai eu le temps d’apprécier
la position racing « sans concession » comme on dit
!
Arrivé à Bettwil, mauvaise nouvelle : la moto
n’est pas commencée !
Dans l’ignorance de mes 20 ans, j’avais bien remis
un acompte en avril, mais c’était un
chèque en Francs Français…
inutilisable en Suisse, bien sûr. Egli est
désolé (lui aussi aurait pu y penser), mais il me
rappelle dans son français approximatif « pas
d’argent, pas de moto… »
Choix cornélien : attendre encore 6 mois voire un an pour
l’Egli Laverda (car je pourrais repasser commande, cette fois
j’ai amené du liquide), ou bien acheter une moto
de série que j’aurai tout de suite.
Mais il y a une troisième option : l’Egli Triumph
T120 est à vendre !
Bien sûr, je l’ai prise. Et quelques semaine plus
tard, 3e voyage à Bettwil avec un copain et sa 404 break,
pour venir chercher la moto (et toujours pas de photos…)
Le dédouanement et le passage aux mines se passent sans
problème (le bon temps...). Le 20 août 71,
j’ai déjà la carte grise dans la poche.
Voila comment je suis devenu propriétaire de cette rare
machine. Egli en aurait assemblé une vingtaine, et
à ma connaissance c’est la seule qui soit
arrivée en France.
Et après ? après, il y a eu trois
années d’utilisation intensive : route, essais sur
circuit, courses de côte. La moto tenait toutes ses
promesses. Elle était légère et
maniable, tenait la route, freinait bien.
Mais la belle aventure s’est arrêtée en
mai 1974 au retour de Nogaro. Une méga-casse moteur : la
bielle gauche qui se coupe en deux, et le piston qui va heurter les
soupapes.
Je
ne l’ai pas réparée. Parce que cela
aurait coûté cher, bien sûr. Mais
aussi parce qu’avant de devenir des classiques intemporelles,
même les
meilleures motos passent par le purgatoire des motos dites «
dépassées
». Et c’est un peu ce qui lui était
arrivé. Les progrès étaient rapides
à cette époque !
Manquant d’argent, j’ai vendu le cadre un peu plus
tard (grosse erreur, j’assume), à un gars qui
projetait d’y installer
un moteur Vincent.
Mais par bonheur j’ai aussi gardé pas mal de
pièces, comme la rare fourche
Téléfork
|
 |
Et surtout la précieuse
pièce qui sert de liaison entre la culasse et la poutre
supérieure.
(elle se monte avec des gougeons longs,
que j’avais gardés aussi)
Vingt ans plus tard, au milieu des années 90, j’ai
entrepris de reconstruire la moto à partir des morceaux
restants.
Le cadre a été refait en Angleterre chez CTG
Racing, qui avait repris les marbres de Roger Slater, lequel
détenait une licence Egli. C’était le
premier cadre Egli T120 qu’ils faisaient. Je leur ai
prêté ma pièce de liaison culasse-cadre
pour l’occasion.
Les « menues bricoles » manquantes ont
été trouvées par les moyens habituels
: les bourses, internet, les pros.
Le projet ayant connu des interruptions, le premier coup de kick a
été donné en 2006.
Après tout, ce retour de Nogaro en 1974
n’était pas la fin de l’histoire, juste
la fin d’un chapitre.
L’aventure est repartie…
Merci encore à Fritz Egli. Pour la reconstruction, merci
à Cyril et Nanard
La moto
en 1971

La moto aujourd’hui
Quelques caractéristiques :
- Moteur
T120 1970 kité en 750 cc (Morgo)
-
Vilebrequin équilibré
-
Boîte 5 vitesses ( T140)
- Culasse
refaite et améliorée chez The Cylinder Head Shop
- Carbus
Mikuni 34 mm
- Frein
avant Ceriani d’époque
- Moyeu
arrière conique Triumph
www.motos-anglaises.com est une coopérative Internet
dédiée à la moto classique d'outre
manche, un espace de liberté où tous apportent
leur grain de sel. Nous
aimons les motos anglaises de tradition, les pannes au bord de la
route, les tâches d’huile dans notre garage
… Nous souhaitons partager nos connaissances
dans la convivialité (presque toujours), la
tolérance (obligatoire) et la bonne humeur.
webmestre@motos-anglaises.com
|