Salut,
rouler en vieille moto anglaise, ça demande des efforts, de la patience, pas mal d'abnégation et un bon réseau de copains... sans ça, le motard qui vient de la japonaise ou de la vieille BMW peut vite se décourager.
Pour beaucoup d'entre-vous, les "anciens", ça a l'air évident parce que vous avez connu ces motos presque comme des motos normales quand vous étiez jeunes, mais pour un motard des années 90 à aujourd'hui, démarrer dans "l'anglaise classique", ça n'est pas facile du tout quand on part de zéro...
Les fournisseurs sont souvent en GB, faut maîtriser un peu d'anglais technique, quand on bricole, rien ne va de soi (pas de système métrique, montages alambiqués, préserrages, précontraintes, mesurer, démonter, remonter...) et pour pleins de petits détail, on n'a pas de pièce d'avance, genre ressorts de rappel de magnéto, pointeau de carbu Amal, le joint comme-ci comme-ça qui ne se monte que sur un bouchon à prise conique, etc.
Les mecs achètent (trop cher) des motos roulantes (mais branlantes) et à la première panne, on est coincé parce qu'on n'a pas la petite pièce spécifique.
Moi, j'ai commencé la mécanique pour faire rouler mes 2CV récupérées quasi en épaves... quand je suis passé à la moto en 1992, ça a été avec des BMW série 7, c'était facile : même outils, montages similaires au niveau mécanique, suffisait d'être soigneux et on s'en sortait et ça fonctionnait : une fois la mécanique faite, on pouvait rouler loin. Et toutes les pièces étaient dispo, suffisait d'aller voir Jacky chez Légendes (à l'époque TDM-Moto-village) et on repartait avec le bon robinet d'essence, les bons joints de carbu, les bons gicleurs, le bon câble qui se monte impeccable...
Alors qu'avec une vieille anglaise, faut toujours bricoler à l'estime, adapter, trouver le juste milieu entre "ça ira" et "ça marche".
Les rares spécialistes d'alors (et c'est encore un peu comme ça aujourd'hui), ils faisaient l'effet de gourous dans une secte, où il faut comprendre à demi-mot... les premières fois que je me suis pointé chez Corbeau à la recherche d'un joint ou d'une cellule redresseuse, fallait s'accrocher pour avoir une explication ou un conseil de montage, comme si t'étais censé tout savoir avant d'entrer dans le bouclard. En gros, on te jetait la pièce sur le comptoir (surtout si on t'avais jamais vu avant) et démerde-toi mon pote... comme si il fallait en avoir chié dans les années 70 pour avoir le droit d'en tâter 25 ans plus tard.
Je m'en suis sorti parce que je suis rentré dans l'anglaise classique en passant par la Bullet Enfield-India, ça a permis une entrée en douceur : y'avait de la pièce en pagaille (pas trop chère) et la moto était simple... même la visserie en Imperial, on peut la gérer avec des outils en métrique.
Mais le mec qui commence direct avec une T140 ou une Commando après des années en japonaise ou en Béhême, bon courage ! Et ne parlons pas des Velocette, des BSA et de toutes les brèles à magnéto, boîtes séparée et tout le tremblement !
Au final, ils laissent tomber, ils revendent cher leur anglaises qui n'a jamais bien fonctionné et soit ils s'offrent une néo-rétro, soit ils tombent dans la "prépa à la con" avec une vieille japonaise ou ce qu'il reste des BMW encore trouvables pas trop cher... alors, ils enturbannent leurs tubes des jappements à la bande velpeau, coupent ou enlèvent les garde-bouse, montent des gros pneus, une selle plate marronnasse et une plaque d'immat' déportée à hauteur de l'axe de roue AR et ça y est, en route pour l'aventure... on y rajoute la casquette en tweed, les pompes de bûcheron portées savamment délassées, le vieux cuir d'aviateur râpé et y'a plus qu'à s'inscrire aux Well & waves pour aller faire des "ride" avec de nouveaux copains.
Et ça, c'est plus facile et plus rapide que de s'enticher d'une vraie vieille anglaise avec laquelle on va passer toujours plus de temps à l'atelier, tout seul dans son coin, que sur la route.
