La 350 Four-Speed Rudge 1925 de Goldie

…..multi soupapes ou multi vitesses …. !!

* une machine hors du commun ….ou chevaucher l’excellence … ?

 

Pas , roue ou vélocipède …
Amis bricoleurs, vous devez connaître les pas Withworth… Les amateurs de l’âge d’or de l’automobile s’autorisent souvent des roues “Rudge”, réputées sur leurs gros Torpédos sport. Les Anglais, dès la fin du XVIIIè et au début de XIXème siècle craquaient plutôt pour un vélo Rudge.

 

Alors que la firme est créée en 1894, les premières motos Rudge Withworth fabriquées dans la ville industrielle de Coventry, sont en vente dès 1911: 500 cc mono vitesse, monocylindre, transmission par courroie mais avec toutefois l’option intéressante d’un embrayage Malbon ou N.S.U….. La vieille marque de cycles balbutie dans la moto et ne tarde pas à sortir un modèle inédit, qui va sûrement obliger certains constructeurs à réviser leur copie. Ce même 500 mono à courroie devient le “Multi-gear” (multivitesses en vrai Gaulois). Un truc génial qui permet sans boite à vitesses, et avec un simple levier d’utiliser à bon escient la tension de la courroie en offrant l’équivalent d’une boite multi vitesses ….

 

Jardine …

 

Si la première boite à quatre rapports “Jardine” est cataloguée en 1915 sur le vétouine la cylindrée du “multi” est rapidement portée à 1000 cc… Je vois déjà les ceusses qui roulent en ancêtre mono vitesse se lécher les babines en imaginant un gros berlingot de mille sans boite ….quasiment démentiel !!

Le grand changement chez Rudge Withworth intervient début 1924: la présentation des modèle “Four” tant en 350 qu’en 500 …

Il ne s’agit pas de quatre roues motrices, désolé :

“ Four ” pour quatre soupapes ….

“ Four “ pour quatre vitesses …

 

Nous avons choisit de vous présenter Ami lecteur, ce modèle sorti des chaînes Rudge Withworth de Coventry le 31 juillet 1925, comme l’atteste le “ registration book ” pieusement conservé par ses propriétaires successifs.

 

Connaissant et pratiquant la moto depuis près de quarante ans, et ayant possédé à ce jour plus de cent soixante-dix machines avec lesquelles j’ai parcouru beaucoup de kilomètres, je pense très honnêtement qu’il existe trois races de motocyclettes :

 

– La première qui attire le public par ses faibles coûts de revient: telles furent notamment les Dresh en France.

– Celles qui se vendent bien, de par leur réputation de fiabilité ou leurs performances ….

– L’innovation technologique attire plutôt la troisième catégorie.

 

Un grand plaisir serait que vous donniez aussi votre avis …. …. 350 FOUR VALVES – FOUR SPEED …..

 

La 350 Rudge-Four appartient à cette “dernière classe” qui s’affirme sur la route par son raffinement, son agrément de conduite effaçant ainsi très agréablement la différence de prix par rapport aux autres machines du marché …. car il s’agit de la machine de l’exception à son époque.

 

William Maurice Blade habite Ripon dans le comté de York, en Angleterre. Il achète régulièrement la revue britannique “motor cycling”. Il désire remplacer sa 350 triumph à soupapes latérales … A la lecture d’un essai flatteur dans la revue le 20 février 1924, il tombe sous le charme…….

L’essayeur-maison commence en ces termes : “il est très difficile de repousser son enthousiasme, afin de décrire ses impressions sur la nouvelle 350 Four-Speed Rudge, après une expédition de chasse à la montagne, de plus de 550 km couverts en moins de vingt-quatre heures…”.

 

Il commande pour 55 livres sterling sa RUDGE FOUR chez le concessionnaire Rudge de Leeds. Deux mois plus tard il en prend possession, le 31 juillet 1925: elle devient “UM 2188” …..

 

Avec sept propriétaires différents, elle a voyagé la bougresse. Du Yorkshire aux paysages somptueux, elle a rejoint le sud de l’Angleterre et le comté du Sussex, dans la région de Brighton, en 1935, pour aller le week-end à la plage de Brighton près du célèbre pier, garée à Madeira Drive. Puis c’est le Suffolk, puis l’ouest de Londres. Enfin, depuis près d’une dizaine d’années elle coule des jours heureux dans le sud de la France. Plus de quatre vingt ans se sont écoulés ….

Entre tubes… entre nous…

 

Son propriétaire actuel, adore les entre-tubes et, de plus en plus, les machines un peu confidentielles… Non point, (et surtout pas) par “ fierté ” mais par un plaisir non dissimulé de rouler avec des machines peu connues, souvent pas faciles à dompter…. que l’on ne trouve pas à tous les coins de rues d’Ardèche. Et puis ce n’est pas parce que nous sommes au début du troisième millénaire, à l’époque de l’électronique, et du plastique, qu’il semble impossible à beaucoup de s’arsouiller avec de la vraie vieille. La Four possède d’origine un porte-bagages: alors n’ayons pas honte d’arpenter les routes du Rouergue, d’Auvergne, ou des Cévennes avec une grand-mère de quatre-vingt ans! Méfiez vous les amis, car une vieille moto peut aller vite, notamment sous la pluie, ou sur la neige…!!

 

A chacun ses goûts et au lieu de disserter sur les préférences, essayons de découvrir cette machine.

 

L’allure de la bête est ramassée, basse et longue. On n’imaginerait pas qu’il s’agit d’un 350 (ou 500 car seuls les cylindres et culasse changent!!). Étonnamment noire, elle ne possède aucune partie nickelée à part le cerclage du phare, les tringles leviers de vitesses, et les manettes du guidon… large et bien en mains. Une boite étanche sur le côté gauche renferme la batterie d’accumulateurs Maglyta très rare à l’époque. La magnéto Maglita à l’avant du cylindre est entraînée par pignons. Le réservoir entre-tubes ne possède pas de grippe genoux ….

 

Ce modèle, intéressant, présente de multiples avances pour son époque. Jugez vous même la liste non exhaustive:

 

quatre soupapes,

quatre vitesses,

roues interchangeables,

magnéto Maglita,

éclairage électrique en 4 volts

lubrification mécanique, ….

freins puissants

double échappement

carburateur Seenspray

 

Les freins ont été modifiés par l’usine, en devenant des freins sur jantes extérieurs au début de 1925 … d’abord sur les 500 puis sur les 350. Rudge innove en sortant en 1924 ce nouveau modèle de 350, plus puissant que la 500 qu’ il remplace. La nouveauté principale est le montage de série d’une culasse à quatre soupapes. Cette idée lancée chez Rudge Withworth en 1924 perdurera jusqu’à la fin de la production de la marque à l’aube de la guerre. Alors que le modèle 350 est abandonné au début de 1926, les demi-litres demeurent au catalogue.

“Jump on the horse“ ….

 

Ne pas vous parler du comportement routier serait un blasphème Anglican …sans vouloir offusquer cette veille fille toujours jeune !! Comme pour beaucoup de “ vintage ” : on ouvre l’huile et l’essence … on noie (à peine s’il vous plait !!) le carbu Seenspray, un ou deux coup de kick au décompresseur histoire de mettre en bouche, et un coup de jaret pas trop solide : le moteur s’ébroue….sans aucunes vibrations. On est (hélas) rapidement déçu par la sonorité de l’échappement, quelque peu rauque, gâchée par la boite à gaz sous le moteur qui étouffe un peu. Tant pis ! Oulala, oulala, attention en mettant le pied sur le cale-pied gauche : l’embrayage tourne, en face du cale pied, et il faut essayer de ne pas mettre la botte dedans ! Première à l’arrière, sur la grille de vitesses, puis à la volée, deux, trois, quatre … Ça passe comme dans du beurre…. Et les régimes montent bigrement pour un 350 de ces années là…. Ça change : ayant roulé le week-end dernier avec une belle 350 GT de chez TerroT (pour les connaisseurs , rappelez vous : la 350 Dijonnaise, à courroie, boite deux vitesses et moteur Jap Latéral .. çà y est vous y êtes ??), la différence est impressionnante. On a l’impression de passer d’une brave et respectueuse D 45 S à une fougueuse Norton Atlas ….

 

Le Withworth ne demande qu’à bondir, tient par terre, dans une souplesse extraordinaire pour un multisoupapes. La moto plus basse que la moyenne, saute littéralement de virages en virages. La boite réagit à la moindre sollicitation. Le moteur accepte de monter dans les tours … Chaussée de K 70 Dunlop, gonflés à 1300 g, elle avale les mauvais revêtements sans encombre. Seul un bruit bizarre m’arrête … Je préfères vérifier ne voulant pas abîmer ce bijou. Et oui, ce sont les supports métalliques des patins de freins, quelques peu souples, qui ferraillent autour des garde-boue. Cela évite de s’endormir… et permet peut-être de se souvenir qu’on roule sur une grand-mère, même sportive ! Bien que très basse la position n’est pas fatigante et l’on se prend au jeu sur les petites routes viroleuses…

 

Cinq cents bornes en deux jours sur les petites routes du Rouergue, à la recherche de bons fromages et de bons breuvages, ne lui font pas peur. Le soir avant l’apéro, rien à faire .. Si, pardon, si la consommation d’essence est raisonnable, (environ 5,5 litres de 95 sans additif !!) bien vérifier l’huile, car si l’on joue souvent du robinet notamment dans les côtés, Mademoiselle peut devenir gourmande en huile ….la pompe étant réglée à fond en débit. Vaut mieux, car lors d’une grande montée sur plus de quinze bornes, pour un rallye dans l’Aubrac, sur une belle route, toutes les machines suiveuses, pourtant largement plus jeunes, (d’avant guerre quand même, faut pas exagérer) ont été carrément déposées … Son propriétaire a presque eu le temps de fumer un bon cigare Cubain haut pour les attendre … !!

 

C’est peu dire… si Mémé, Kathy pour les intimes (car maintenant on se connait !!), aime les montées d’hommes …

 

Grisant : cette facilité, déconcertante pour une moto du milieu des années vingt, de jouer avec la 3ème, la 4ème et la manette d’avance. Hé peuchère !! On comprend là un peu mieux que l’on chevauche l’excellence, et tout de même une machine quelque peu “T.T. replica”…. ayant été inspirée des machines gagnantes du célèbre Tourist Trophy

Une des première Anglaise cataloguée en éclairage électrique en 1925 … J’ai essayé, et bien effectivement vous avez l’éclairage électrique, en 4 volts … Peut-être que l’on m’a aperçu, mais moi comme dirait Jean Gabin, “ je n’ai rien vu … ”

 

Il est vrai qu’il fallait à l’époque un cœur énorme, à l’essayeur de “ Motor Cycling ” qui dans la nuit, sur les routes non asphaltées avait parcouru environ 180 bornes entre Bridgewater et Coventry ! Heureusement poules et canards dormaient … Un souvenir m’est immédiatement venu à l’esprit : la route à la sortie de Bangalore, aux Indes, quand en Enfield India, je me suis mis à doubler un camion, et qu’il m’a semblé entendre d’un seul coup un grand bruit : un camion sans lumière arrivait en face !! Diantre, Dieux Rudge ou Indiens, faites quelque chose … ne roulez pas de nuit … car il y a une autre manière de trouver le nirvana total …

 

Même si pour un Druide Arverne nous nous étions retrouvés dans un champ au sortir d’un pont, (et nous n’étions pas les seuls !!) on peut largement qualifier les freins de cette Rudge de freins puissants …pour l’époque, et même pour une avant 45 ! A peine effleurés, ils agissent fermement, non point comme des ralentisseurs, mais de bons freins …. Et là plus de bruit , même si on effleure seulement la pédale !!

 

Ahh… j’oubliais : les amateurs de nipponnes en plastique, ne seront pas dépaysés, le frein à pied est à droite, et devant le cale-pied …!! Pourquoi hésiterions nous encore ….il en reste peut être quelques unes, chez le concessionnaire de Leeds : à 55 £ , cela doit faire environ 55 euros !!! Une bagatelle pour une machine vraiment hors du commun …

 

Et puis comme disait un certain Johann Goethe: “tout ce qui doit nous impressionner, doit avoir du caractère…”

 

Goldie, anonyme Ardéchois ….

Caractéristiques

Piston aluminium racing Rudge

Carburateur : Senspray à deux leviers

Régime maxi : 3900 tr/ mn

Alésage – course : 70 x 90

Réservoir : 2 gallons ( 9,20 litres)

Boite à échappement sous le moteur

Roues interchangeables

Consommation essence : 4,5 l aux 100

huile : une pinte aux 300 km

Pneus : 650 x 65

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