nino a écrit : ↑19 août 2022, 10:03
Donc, finalement, la réputation de fiabilité médiocre qu'il était de bon ton de propager dans le passé n'était pas justifiée ou il y a quand même des défauts bien connus - au niveau fiabilité - qu'il faut corriger pour être tranquille ?
La Bullet India est une bonne moto, plutôt fiable si on s'en sert comme une moto ancienne des années 50-60... les 350 sont même très fiables, car peu puissantes, 18 ch, ce qui était la norme des 350 de l'époque et même de certaines 500.
Ceci dit, du temps de la production des vieux modèles qu'on appelle les "fonte" (cylindre en fonte, boîte séparée, démarrage au kick et freins à tambours), l'usine était encore assez "manuelle" et certaines motos avaient des conneries de montage, genre goutte de colle à carter qui obstrue partiellement un circuit d'huile interne, fonderies parfois poreuses ou fendues, rayons mal montés qui cassent rapidement, des bobinages d'alternateur qui se coupent et des pistons qui se découpent si on tire dedans, des élastomères qui se délitent (comme le manchon d'admission), etc... mais rien de plus pire qu'une vraie anglaise classique.
En revanche, les condensateurs classiques de l'allumage batterie-bobine tiennent très bien dans le temps et le carbu Mikarb (copie indienne du Mikuni VM) est bien plus fiable et solide qu'un Amal Concentric.
Le gros point faible grave vient d'un mauvais usage du kick : les deux pompes à huiles à piston sont entraînées par un arbre cannelé transversal en renvoi d'angle avec une vis hélicoïdale sans fin montée en bout de vilo, côté distribution, qui ne fonctionne bien que dans le sens de rotation normal du moteur.
En cas de retour de kick, les cannelures fines de l'arbre d'entrainement des pompes peuvent casser et l'arbre ne tourne plus, entrainant la casse du moteur, faute de lubrification de la bague flottante régulée qui tourillonne dans une bague acier frettée dans la tête de la bielle en alu fermée et autour du maneton de vilo en acier.
En 20 ans de Bullet et de concentres avec ces motos, d'après ce que j'ai vu, tous ceux qui ont pété leur moteur étaient des mecs qui ne savaient pas kicker, qui avaient peu de leur kick et qui se prenaient de méchants retours au démarrage, entrainant la destruction inévitable de l'arbre des pompes à huile. C'étaient souvent les mêmes qui dépensaient des fortunes pour monter des kits performances et qui tiraient dans leurs moteurs plus que de raison, en roulant à 100 km/h de croisière... mais un gros mono longue course n'est pas fait pour ça et ces motos ne font pas long feu chez des motards qui ne connaissent pas la mécanique, tout simplement.
Conduites en souplesse, à l'anglaise, en roulant à 75-80 km/h, les Bullet India "fonte" sont en fait plutôt fiables et endurantes pour des dizaines de milliers de kilomètres.
Pour le reste, ces Bullet-India restées presqu'inchangées au modèle original anglais (sauf circuit électrique en 12 V, clignotants, allumage batterie-bobine) sont très agréables à utiliser : les freins sont efficaces (excellent tambour AV double-cames indien), la fourche ne claque pas ni ne talonne pas, le confort est excellent avec la selle duo en latex d'origine indienne, le cliquet de retour au point-mort d'un coup de talon est appréciable en ville et l'embrayage est simple à régler et plutôt endurant. Avec leur décompresseur qui ouvre un petit clapet dans le conduit d'échappement, elle sont vraiment très faciles à démarrer au kick.
Au niveau des améliorations, on peut monter un cylindre alu chemisé qui refroidit mieux, des culbus allégés mieux dessinés, des amortos AR moins raides que l'origine et voilà pour le minimum. Les pièces sont abondantes et pas très chères, avec certaines pièces améliorées, mais pas la peine de chercher à en faire un avion de chasse, ça va la fragiliser.
Et surtout, faut éviter d'y tripatouiller quand ça fonctionne : sur la Bullet-India 500 de 1992 que je possède depuis 2010, je n'ai pas eu besoin de toucher à l'allumage ni à l'embrayage ni aux réglages des tiges de culbus... la moto ne se dérègle pas et elle démarre en deux ou trois coup de kick sans souci, même après un mois d'arrêt.
J'en suis à ma deuxième en 20 ans de Bullet-India et je m'en sers régulièrement, aussi bien sur le périph' parisien que pour traverser la France pour partir en concentres avec le matos de camping... et j'ai été bien moins emmerdé qu'avec mes vraies anglaises classiques, BSA A7 ou Triumph T 140.
Alors, d'où vient leur mauvaise réputation ? Des snobs et des racistes qui considèrent qu'une moto produite en Inde est une moto du tiers-monde fabriqués par des gens sous-développés, des motards modernes qui veulent une moto à l'air "ancien" mais qui ne savent pas conduire à l'ancienne et des "charcutiers-préparateurs" qui découpent leurs garde-boue et leurs faisceaux électrique raboutés de partout avec du chaterton.
Non vraiment, connaissant assez bien ce modèle, j'affirme que ces motos fonctionnent très bien, qu'elles sont agréables à utiliser et en plus, qu'est-ce qu'elles sont belles !
La mienne est en cylindre alu, culbuteurs allégés, pompes à huile gros débit, grosses soupapes, carbu Mikuni VM 30 et amortisseurs AR Hagon. Bas moteur d'origine (toujours sur bague flottante et bielle alu), piston standard au TC d'origine (6,2 : 1), roulements de vilo changés, circuit électrique refait par l'ami Pryt (spécialiste des Royal-Enfield et membre du forum MAC), allumage d'origine tout mécanique (rupteur, condensateur et bobine) et pignon de sortie de boîte en 18 dents à la place du 17 dents d'origine.
Elle fonctionne au SP 95 sans additifs et à l'huile 20 W 50 de supermarché, tout simplement.